Des mots, une histoire 50
Les mots imposés étaient : mécréant – certificat – douche – bises – givré – gluten – adresse – rafale – tendresse – excuse – bruire – catastrophe – autarcie – perce – vaporeux – rugby – découverte – ivresse – possible – carte – intimité – espiègle – pile – prière – page – licorne – aphrodisiaque
Mon texte les contient tous, je n'en reviens pas moi-même !
« Emmener tes petits-enfants à la messe de minuit ?! Tu plaisantes Granny, je t'en prie réfléchis ! »
Oui ma grand mère se fait appeler Granny après avoir refusé mémée ou mamie, parce que ça fait vieille femme il parait. Enfin, en même temps à 86 ans on ne fait plus partie des jeunes...
Pour cette histoire de messe comme de petit nom, je n'ai pas voulu la contrarier. Granny ne comprends déjà pas mon mode de vie en quasi autarcie avec mes poules et mon potager. Elle hausse les épaules et lève les yeux au ciel lorsque j'évoque le magasin bio que j'ai ouvert et les produits sans gluten. Bref.
Je persistais à penser qu'elle aurait du renoncer à son idée d'évangéliser les trois mouflés de ma soeur lorque je les ai vu entrés dans le salon. Ils lui ont adressé une rafale de bises givrées. C'était une façon brutale, mais bien à eux, d'exprimer leur tendresse.
A partir de là, ce fut la catastrophe : pendant que nous préparions les 13 desserts, ils ont douché et transformé son caniche en licorne et fait tomber une pile d'assiettes en jouant au rugby dans la cuisine.
« Qu'est ce qu'ils sont espiègles les enfants d'Evelyne ! » Oui, Granny est une mamie très tolérante.
J'aurais sans doute utilisé un autre vocabulaire pour qualifier le comportement de ces chenapans dont nous avions hérité le temps d'une soirée.
Officiellement, ma soeur était de garde à l'hôpital. Officieusement, je la soupçonnais d'être en train de déguster des mets aphrodisiaques avec un nouveau Jules. Ses trois bambins n'auraient pas permis une telle intimité, c'est sûr.
Une fois à l'Eglise, Granny a ouvert la fameuse bible reçue en cadeau lors de l'obtention de son certificat d'études. La carte marquant la page était illustrée d'un perce-neige.
Je regrettais de porter (et même d'avoir acheté) ce chemisier vaporeux en mousseline de soie. Je me gelais dans cette église malgrè la lègère ivresse qui s'était emparée de moi après l'apéro au champagne. J'étais bien trop découverte.
Quand la première prière a démarré mes trois neveux se sont mis à s'agiter et à chuchoter. Une dame installée devant nous commencait à perdre patience. Elle a d'abord lancé dans notre direction un coup d'oeil sévère en guise d'avertissement. Puis, elle a soupiré plusieurs fois. Enfin, excédée, elle a fini par lâcher un : « Mais cessez donc de bruire, bon sang ! »
Comment lui dire à cette dame que les garçons ne connaissent pas ce mot et que plus personne ne l'emploie sans la vexer et l'énerver davantage ?!
J'ai choisi de me taire et de faire mon petit sourire géné qui signifie « excusez-nous », ou « désolés, ils vont se calmer ».
Les calmer, comme si c'était possible ! Une fois que les prières sont devenues chantées, c'est carrément devenu infernal. Des monstres. Leurs fous rires devint contagieux, j'ai craqué et j'ai ri aussi. Nous n'avons pas échappé à l'insulte malgrè notre rapidité à sortir de l'édifice : « bande de mécréants ! »
Depuis cet incident, Granny n'insiste plus pour la messe, et finalement je suis pas mécontente de jouer les nounous le 24 décembre !
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