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Pendant deux semaines, à chaque fois que je passais devant la librairie "la comédie humaine", je l'ai vu trôner fièrement en vitrine avec un gros post-it de recommandation du libraire.

Je résistais, parce que 20 € c'est une somme tout de même, il serait plus raisonnable d'attendre de le trouver à la bibliothèque.

Le jour où je m'étais finalement décidé à craquer, il n'était plus en vitrine.

Je me suis dit c'est un signe, je ne devais pas l'acheter. Sauf que je suis entrée dans la librairie quand même embarquant le dernier exemplaire rapatrié sur la table des nouveautés françaises. 

J'ai bien fait.

J'ai adoré, comme à chaque fois avec cette auteure, lire les tribulations de personnages attachants qui s'épaulent pour mieux avancer. L'écriture singulière de Marie Sabine Roger truffe le récit de tendresse, bienveillance et humour. Et ça fait du bien. 

Cette fois il s'agit d'Harmonie atteinte du syndrôme de Gilles de la Tourette et de Fleur agoraphobe et grande angoissée.

Ces deux là se rencontrent grâce à l'annonce que publie Fleur pour trouver officiellement une femme de ménage, officieusement quelqu'un pour garder Mylord, son chien, lorsqu'elle se rend chez son psy. 

Une fois l'étrangeté de l'autre apprivoisée, ces deux là forment un binôme qui fonctionne et donne la force de tout affronter. Surtout le regard des autres, ces autres qui les qualifient de bracassées. 

Autour de ces deux femmes, gravite une galerie de personnages un peu fêlées et tout aussi touchants. On les suit avec plaisir au bout des 300 pages et de leur projet dingue. 

Quant aux extraits là encore je ne sais plus où donner du clavier tant j'ai coché de pages...

page 19 "L'inquiétude agit sur moi comme une piqûre d'insecte, cela part de presque rien et puis ça se précise, ça gratte, ça démange, ça s'étend peu à peu, on finirait par s'arracher toute la peau du corps. Penser est un prurit. Ecrire me soulage. 

page 111 "il y a des gens qui vous aiment de travers, vous enveloppent d'un amour en coton épais filandreux pour protéger des chocs et que surtout rien ne vous fêle, qu'aucune aspérité n'arrache votre peau. Ce n'est pas bon d'être aimé de façon aussi précautionneuse. Maman me laissait faire du vélo du patin à roulettes et pourtant elle savait bien que. Le coton n'était pas dans le coeur de ma mère, il était dans la pharmacie à côté des pansements. Freddie m'aime d'un amour solide et résistant mais il n'a pas confiance en moi. Son amour me rassure mais il ne me grandit pas. Il me coupe les ailes, il ne me permet pas d'oublier comme le nid est haut tellement sur la branche et comme le risque est grand de vouloir le quitter. 

page 31 "chez moi c'est la Syrie chaque jour de la semaine tout est à réparer ramasser recoller ou jeter suivant le cas j'exagère bien sûr c'est plus grave en Syrie ce sont des gens qui pleurent pour d'autres gens qui meurent rien à voir avec moi Wouh-ah. Chez nous chez moi ça se situe entre la casse automobile et le tir aux pigeons d'argile. " 

page 35 la tristesse parfois ressemble à de la rage on peut mordre parce qu'on a mal. 

page 257 On continue à vivre ce n'est pas le problème, vivre c'est mécanique, il suffit de respirer de boire de se nourrir Ce qui gêne ce qui tue c'est toujours le regard celui qui vous détaille sans vergogne Celui qui vous évite par pudeur hypocrite mais vous file de loin Celui qui vous transperce ou pire celui qui ne vous regarde plus. Vivre n'est pas le problème C'est vivre ensemble qui.

page 258 Tout ce qui fait de nous ce que nous sommes absolument tout prend naissance dans le regard. Celui que les autres posent sur nous Celui qu'on pose sur nous-même sur le voisin l'ami l'ennemi la famille. (...) On ne peut voir le monde qu'avec ses propres yeux mais on peut décider de distinguer le beau dans le sigracieux le sublime dans le grotesque l'immense dans le minuscule Ne voir que ce qui dérange c'est du temps perdu sur le bonheur"

page 278 Comme on le dit si bien l'appétit vient en mangeant. J'ai souvent vérifié la véracité de cette phrase, mais je venais de comprendre qu'elle ne parlait pas seulement de nourriture. Faire donne l'envie de faire. 

L'avis de Mel