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Les facéties de Lucie
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7 février 2013

"L'arbre de l'oubli" d'Alexandra Fuller

l'arbre de l'oubli 

Et dire que j'ai failli en abandonner la lecture...Je serais passée à côté de savoureuses mémoires

L'épisode "retour en terre écossaise" de la narratrice et auteure a failli avoir raison de moi. Le grand père et les fantômes jouant cornemuses m'ont glacé les os d'humidité.

S'il n'y avait pas eu cette mère fantasque, Nicola, pour me retenir et la plume drôle et enlevée de l'auteure (traduite avec talent par Anne Rabinovitch) j'aurais laché dès le premier quart et n'aurait pas senti la chaleur de L'Afrique. 

Mon sentiment premier a été celui d'assister à une séance diapo chez des inconnus qui se raconteraient leurs souvenirs de famille sans m'inclure. Puis, ils m'ont fait une place et je me suis attachée aux Fuller, famille qui s'entête à rester en Afrique malgré les guerres civiles. 

Nicola, la mère de l'auteure, écossaise, grandit au Kenya et épouse un anglais, Tim. Une union que n'approuve pas les beaux parents de Nicola. Qu'importe.

Ces deux là vont se faire une vie hors du commun, porter des toasts (beaucoup de toasts) à leur singularité, faire des enfants, et chercher coûte que coûte à devenir propriétaires d'un bout de terre dans une Afrique où le vent ne souffle pas toujours du bon côté pour les Blancs.

C'est cette épopée que nous conte Alexandra Fuller avec ironie et sincérité.

Les titres des chapitres font inévitablement penser aux albums de Martine : "Nicola apprend à faire du cheval, Nicola va à sa réunion d'anciens élèves, Nicola apprend à piloter".

Elle a commencé par m'agacer cette Brigitte Bardot africaine : les animaux d'abord, les enfants ensuite. Mais j'ai fini par apprécier son côté foutraque congénital. 

"L'arbre de l'oubli" c'est ce baton qui devient arbre et que plante chaque chef dans son village. Il suffit de s'y assoir dessous en cas de crise existentielle pour que les ancêtres qui l'habitent vous aident à passer ce mauvais cap.

Ah... si seulement ils l'avaient trouvé dès le début cet arbre magique, les membres du clan Fuller s'en seraient mieux portés. Sauvés par une légèreté confinant à l'inconscience, savamment entretenue par l'alcool et une foi éperdue en la vie, ils se relèvent toujours même du pire des malheurs. Cette mère refaçonnée physiquement par la douleur n'en devient pas caline pour autant mais son courage force l'admiration.

J'ai vraiment aimé ce roman et j'ai réalisé que je connaissais plutôt mal l'histoire de l'Afrique et de ses luttes intestines.

Ce roman aborde aussi la difficulté d'étre l'écrivain de la famille, celle qui écrit l''Horrible livre" qui dévoile, sous couvert de fiction, les névroseset les secrets de famille. 

Ce roman contient des frangipaniers, des agapanthes, des arbres à poivres, des manguiers, des acacias à girafes, 9 casseroles Le Creuset qui ont été de tous les déménagements et quelques passages qui font rire aux éclats (vraiment).

Compte tenu des litres de Gin, Guiness, vin portugais et liqueurs multicolores ingurgités dans ce roman je suis obligée d'insérer un message de prévention : L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. 

Des tas de passages relevés, je vous en extrais quelques uns : 

"La grand mère parlait vraiment aux fées et voyaient des fantômes avec un naturel déconcertant, surtout après son deuxième Gin & French de la matinée." 

"La guerre est le perpétuel fruit mûr de l'Afrique. Il y a tant d'injustice à résoudre, un tel désir de vengeance dans le coeur des gens, une telle corruption invalidante du pouvoir, une ruée si indécente vers les ressources naturelles. Le vent du pouvoir change et le fruit se forme à nouveau, il dégringole sur le sol, chaque guerre étant plus terrible, plus inventive que la précédente. "

"Une gueule de bois est presque l'unique mal pour lequel il est susceptible de proposer à quelqu'un une aspirine de consolation. Crises cardiaques, diabète, grippe et migraines sont purement psychologiques à ses yeux."

"Les questions qui commencent par "et si" exaspèrent ma mère. Mais je passe beaucoup de temps à cerner ce brouillon opaque. Et si nous avions été lucides ? Et si le cadre de nos vies avait été plus ordinaire ? Et si nous avions tempéré notre passion avec un peu de prudence ? "Les et-si sont ennuyeux et vains" dit maman. Car même si au cours de son existence ma mère à frôlé de près une folie profonde, irréparable, elle ne demeure pas à présent dans un monde dévasté et plein de regrets, et ne souhaite se défaire d'aucun épisode de sa vie, même des parties horribles, douloureuses, dommageables. "Les "et-si" sont la pire sorte d'autopsie. Et je déteste les autopsies. Il vaut beaucoup mieux affronter la vérité, se secouer et continuer sa route." 

"Si je soulève un coin de mes souvenirs de ce lieu, ce qui dégringole est trop volumineux pour que je l'assimile d'une seule traite"

"Ce que ma mère ne dit pas c'est qu'elle connaît non seulement le chemin du chagrin dans le sang mais aussi celui qu'il emprunte à travers les fêlures du coeur. Ce qu'elle ne dit pas, c'est que cette guérison de la folie du chagrin n'a pas été seulement le résultat des prescritpions médicales, mais aussi une affaire de volonté. [...] Et il est vrai qu'elle a envisagé avec sérieux ce niveau de démence profonde, irreversible comme une option. Au lieu de cela, elle a pris une autre voie et s'est ressaisie, et ce n'était pas grâce au psychiatre très talentueux, mais grâce au pardon : elle a pardonné au monde et la raison a repris ses droits. Elle s'est amnistiée elle-même et son âme a retrouvé un toit. Il a fallu la seule chose que le chagrin n'a jamais pu voler à ma mère : le courage".

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Commentaires
A
je l'ai aussi beaucoup aimé pour son humour, et cette fameuse mère romanesque. :)
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