"Une preuve d'amour" de Valentine Goby
Si je vous dis Valentine Goby + Editions Thierry Magnier, vous vous dites que cette équation ne peut donner qu'un bon résultat, n'est ce pas ?! Et vous avez raison de penser ça.
L'éditeur nous prévient : "La littérature ne guérit pas, mais parfois elle donne les mots pour comprendre. La langue de Valentine Goby est forte et claire." Je confirme.
L'auteure nous plonge dans une salle de classe en plein débat à propos du roman Les Misérables : Fantine qui laisse sa fille, Cosette, aux aubergistes, les Thénardier : mauvaise mère ou non ?
Cette question fait sortir Abdou de sa réserve habituelle et de la salle de classe par la même occasion. Ce roman semble faire violemment écho chez lui.Il ne revient pas en classe après ça. Sonia le revoit deux fois sans parvenir à l'atteindre vraiment et à décrypter son mystère.
Il finit par réapparaître en cours. En le revoyant, la jeune fille sent alors "un fourmillement bizarre" dans son estomac. Normal : "une colonie de libellules y bat des ailes".
Elle propose de lui filer ses notes de maths. A la faveur d'une panne d'ascenceur, elle va alors comprendre pourquoi les mots de Victor Hugo ont raisonné si fort chez Abdou. Ils ont appuyé sur un noeud qu'elle va l'aider à défaire.
A peine 100 pages qui m'ont complètement charmée. Je vous invite vraiment à les lire.
Parce qu'il est des romans qui semblent écrit pour vous et vous interpellent. Parce qu'être parent c'est difficile et qu'on essaye de faire de son mieux pour le bonheur de ses enfants. Parce qu'il est des comportements apparemment choquants qui sont pourtant les plus belles preuves d'amour. Parce qu'on peut espèrer un jour la compréhension et le pardon. Parce que la compassion et l'amour peuvent gagner à la fin.
Guimauve ce roman ? Oh que non ! Sombrement réaliste mais lumineux. On aurait pu s'en douter avec ce vert couleur d'espoir, couleur du blouson d'Abdou et du piercing au sourcil de Sonia.
Le papa de Sonia donne des cours de chars à voile, cela nous vaut de très beaux extraits sur la plage et le ciel :
"La plage de Berck-sur-Mer à marée basse est comme un immense champ de lumières : il y a le sable sec et blond du bord; le sable humide et plus foncé à vingt mètres de la promenade; puis le sable carrément mouillé au loin, presque noir, d'où la mer vient de se retirer. Des petites flaques font à perte de vue des taches bleues ou blanches selon la couleur du ciel, et dans les baïnes, piscines naturelles, grouillent de minuscules poissons et crevettes transparents. Depuis la promenade, le sable scintille fort à cause des grains de mica. Des dizaines de cerfs-volants mutlicolores bougent contre le ciel, des dragons, des étoiles, des têtes de Mickey, des pieuvres, des avions."
"Nous, (à Berck-sur-Mer) quand on marche vers le stade, on voit la lumière bouger tout le temps, elle est vivante. Elle éblouit quand elle traverse le voile de nuages, elle s'éteint lentement sous les cumulus, à la façon d'un halogène, et on trouve ça vachement beau. A Montpellier c'est chaque jour pareil, on se croirait dans un tableau figé pour toujours : du soleil dans du bleu, tellement souvent qu'on l'oublie. Jamais il te manque, le soleil, et ce qui te manque pas, c'est comme si ça n'existait pas."
"A marée basse, la plage est une grande toile vierge, tu y dessines tout ce que tu veux".
"La mer presque bleue froissée de mini-vagues".
Merci Valentine ! Et longue vie à cette preuve d'amour !