Parapluies de Christine Eddie.
La devise de Matteo pourrait être : "après moi le déluge". C'est en effet ce que provoque son départ en plein mois de juillet : 34 jours de pluie battantes.
Béatrice, son épouse, se demande si leur navire n'est pas en train de couler lorsque son aspirateur "s'étouffe" avec une petite culotte qui n'est pas la sienne sous le lit conjugal.
Francesca, la mère de Matteo, dilue sa solitude dans un bain permanent d'émissions de téléachat.
Quant à Daphnée, elle pourrait chanter "j'ai touché le fond de la piscine, j'ai bu la tasse tchin tchin". Le coup de palme pour remonter à la surface devra être puissant. Elle se plonge dans l'eau pour oublier la pesanteur comme elle plonge dans les livres pour oublier sa solitude.
Catherine noie le poisson lorsque sa fille Thalia lui demande où est son papa.
Les routes de ces femmes là se croisent. Elles ont sans le savoir un point commun, Matteo, dans leur vie.
Vont-elles boire la tasse ou retrouver l'envie de chanter sous la pluie ?!
Tout ira bien si elles trouvent un parapluie de berger capable de toutes les abriter. Pas si c'en est un qui se plie dans le sac et dont les baleines ne resistent pas à la première bourrasque.
On navigue parfois en eaux troubles et sans gilet de sauvetage, la mer n'est pas toujours calme, on perd pied jusqu'à trouver sous ses doigts une bouée, un radeau sur lequel grimper pour se mettre au sec.
L'ambivalence des sentiments, les faux semblants, les apparences, les trahisons, l'amour passion, l'entraide et la compassion, la force de la filiation et la nécessité de lâcher du lest pour ne pas se laisser emporter vers le fond.
Il est question de tout cela dans ce roman. Et c'est tantôt doux, acide, amer, drôle et touchant. Ce récit regorge de formules pépites, inventives et éloquentes.
Un coup de coeur ! Un roman que j'aurais aimé écrire...
J'avais déjà adoré son premier roman "Les carnets de Douglas", que j'ai beaucoup offert autour de moi.
Des extraits il y en a tant...
"Beau parleur et beau tout court. Deux atouts qui servirent si bien Matteo durant 53 ans que peu de gens surent qu'il fréquentait l'angoisse et les déconvenues au même ryhtme qu'eux, parfois davantage."
"Pour narguer la mélancolie, il apprit à faire du baratin".
"J'ai souhaité que ses cent mille milliards de cellules s'activent sur le champ pour nous tramer une guérison rapide".
"Une fille aux goûts vestimentaires douteux, dont les hanches étaient si étroites que ses épaules devaient la déséquilbrer quand elle marchaient sous une brise légère. "
"j'ai continué à ignorer le pressentiment qui se baladait maintenant en sifflotant, de mon cerveau gauche à mon cerveau droit."
"On traîne tous un sac de plomb"
"Après cinq mille jours de vie commune, quelle femme tend encore l'oreille au ronron de son conjoint ? Je me contentais d'acquiescer de temps en temps pour montrer que j'étais toujours là, en attendant un échange qui vaille la peine."
"Beaucoup de gens cherchent, toutes les trente minutes, à savoir ce qui se passe dans la tête de leur conjoint. A quoi penses-tu ? Tu vas où? C'était qui ?"
"Ce sont d'abord les livres qui sauvèrent la vie de Daphnée (...) Daphnée découvrait que quelques paragraphes suffisaient à l'extraire de son corps, une expérience qui, contrairement à celle du cannabis et du rhum qu'il lui était arrivée de consommer le vendredi soir, ne la laissait pas pantelante et fatiguée le lendemain."