Partie de chasse d'Agnès Desarthe
Admettons que les animaux aient la parole. Cela changerait l'ambiance des parties de chasse, non ?! Le gibier discuterait-il avec le tireur qui lui a laissé la vie sauve ? C'est ce qui se passe dans ce roman d'Agnès Desarthe.
Emma a lourdement insisté pour que son mari Tristan accepte d'accompagner les hommes du village à la chasse. Selon elle, cette activité est leur seule chance de s'ntégrer et constitue le passage obligé pour qu'ils continuent à s'aimer dans ce patelin. Alors, il y est allé. Il n'est pas très rassuré par les chiens et les fusils maniés par des hommes bourrus qui se chamaillent. Trois villageois l'initient : Dumestre, Farnèse et Peretti. Ils ne font pas dans la dentelle et les descriptions sont savoureuses. L'ambiance : rires gras, bière, saucisson, odeurs de chiens, de sang et d'acier.
Au début de l'histoire, Tristan tire et rate un lapin qu'il glisse dans sa gibecière, le coeur encore palpitant. Il sera son compagnon, son confident, le temps de cette partie de chasse. Ils compareront leurs conditions d'humain et d'animal et l'instinct contre lequel nous nous battons est celui qui guide l'animal.
Cette balade en forêt est l'occasion pour Tristan de se souvenir et de se raconter : ses premiers émois amoureux, son épisode londonien et son apprentissage de la langue anglaise, sa mère qui lui a vite délégué les tâches ménagères pour se consacrer pleinement à un trio ravageur qui lui sera fatal : alcool/drogue/cigarettes, et enfin sa rencontre avec Emma. Son Emma, sa source, son amour. Il s'inquiète pour elle lorsque le temps tourne à la tempête et semble vouloir faire table rase de ce qui existe à la surface. Il reste à l'abri avec Dumestre et lorsqu'il sort de son terrier improvisé, c'est comme s'il emergeait d'un mauvais rêve : groggy, meurtri, le coeur serré mais prêt à avancer à nouveau vers la lumière et la vie aussi imparfaite soit-elle.
Un très bon roman aux allures de conte fantastique que j'ai dévoré d'une seule traite . Le déluge s'abat sur le village comme pour le rayer de la carte et punir ceux qui ont pêché. Puis le soleil revient, les oiseaux aussi et l'envie de vivre est plus forte comme ravivée par la peur de périr noyé. La tornade n'a peut être pas effacé l'ardoise mais le pardon est possible. Le dialogue avec l'animal permet une reflexion sur notre condition d'humain et nos états d'âme qui rendent nos vies si complexes mais en même temps si passionnantes.
Lu dans le cadre de l'opération "On vous lit tout!" Merci à Libfly, à la librairie le Furet du nord et aux éditions de l'Olivier de m'avoir permis cette lecture en avant première !