attendre 

De cette auteure, que j'ai eu la chance de rencontrer à Grignan lors d'un weekend hors du temps, j'avais adoré "Les petites mères". Les femmes de ce livre m'ont accompagné longtemps.

"Attendre" m'a happé de la même manière. J'y ai retrouvé avec plaisir l'écriture cinématographique de Sandrine Roudeix. Elle sait faire image et émotion avec ses mots. 

L'histoire nous est contée en trois tableaux, trois scènes à plusieurs années d'intervalles, trois dimensions, trois personnages qui attendent et dont le cerveau est en pleine ébullition pendant ce temps là. 

Tableau n°1, Une ado, Lola, à la terrasse d'un café. Elle attend le père qu'elle n'a pas connu et qu'elle a retrouvé. Traversée par un millier de questions à commencer par "va-t-il venir ?", son esprit court à toute allure pendant qu'elle boit coca sur coca pour tromper l'attente. 

Tableau n°2, 4 ans plus tôt. Une mère, Marie, qui attend sa fille, Lola, à la sortie du collège. Elle s'apprête à lui parler de ce père qu'elle n'a pas connu. Et songe, en observant sa fille sans être vue, à cette absence avec laquelle toutes les deux se sont construites.

Tableau n°3, 12 ans plus tôt. C'est Pierre, le père, qui attend devant la maternité où vient de naître Lola. Il hésite à entrer voir Marie et est attaqué de toute part par des pensées contradictoires. "Non, être père ce n'est définitvement pas pour moi, et puis, si, pourquoi pas ? "

Outch, ce dernier tableau est poignant. Il frappe fort. Je ne vous révèle pas son final. 

Ces trois là n'ont pas pu former triangle. Pourtant ils sont liés par des pointillés qu'ils ne pourront jamais gommer...

Merci Sandrine. Ce roman est magistralement construit.

Extraits : "tu as un rideau sombre de reproches baissé devant tes yeux".page 68

"Ma table rouge est constellée de cercles de liquides incrustés. Les traces d'autres verres comme les contours de nouvelles planètes, les vestiges d'autres moments. D'autres retrouvailles sans doute. On passe sa vie à ça, les uns et les autres, s'attendre, se rencontrer puis s'éloigner." page 18. 

"je capte les minutes. Je les observe une à une, je les regarde passer. Elles marchent devant moi. Sans s'arrêter. La seconde haute et fière". page 13

"Mais le pire n'est pas dans l'attente. Le pire est dans le vide qui cherche vainement à être comblé, l'insatisfaction permanente aussi noire que nos idées. On passe parfois à côté de sa vie à force d'attendre." page 82

"Je n'ai pas envie de faire les choses raisonnablement. Autant devenir fonctionnaire à la sécurité sociale et diner chez Flunch tous les samedis. Je n'ai aucun diplome, je ne roule pas sur l'or, ais je me sens vivant. Pour moi, c'est ça le plus important. page 97.