Une photo, quelques mots (90)
Ce soleil qui se noie dans la mer, ce rougeoiement qui meurt en un orangé de crépuscule, cela me fait penser à Isaure. Peau laiteuse et blondeur, naïeveté presqu'enfantine. C'est elle qui soufflerait sur l'aigrette de ce pissenlit si elle était là. Elle faisait toujours un voeu quand elle faisait voler les pistils de cette fleur jaune soleil. Elle prétendait que le nombre de graines restantes indiquait les années qu'il lui restait à vivre. Elle me rassurait : "regarde, il en reste encore une bonne vingtaine". Je la soupçonnais de ne pas souffler trop fort, exprès... "t'inquiète j'suis pas prête de les bouffer par la racine, tiens, tu sais quoi, pour conjurer le sort, on va se faire une salade de cramaillots à l'huile chaude avec des petits lardons". Isaure aimait ce moment où le soleil nous laissait tranquille après avoir chauffé tout le jour. Elle me disait qu'elle ne perdait pas en lumière tant que je restais à ses côtés. C'est la lueur dans ses yeux qui faiblissait, son souffle qui devenait court, ses joues qui se creusaient. Je la trouvais peu à peu aussi légère et fragile que le duvet sur lequel elle soufflait. Et Isaure, devenue poussière d'or, a fini par s'envoler.
C'était ma participation à l'atelier de Leiloona.