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Les facéties de Lucie
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20 avril 2013

Renaître de tes cendres de Dominique Lin

cendres 

Un estaminet aux banquettes en skaï "à mémoire de forme" dans lequel un homme, le Pacha, règne en maître et promet la lune sans jamais la décrocher. C'est le repère de notre narrateur, Léon, quinquagénaire et déjà veuf, en proie à la culpabilité et au découragement, en quête d'un travail et d'une raison de continuer à avancer sans la femme qu'il aime.

Une vieille connaissance rencontrée à l'anpe l'avertit qu'une société de conseil fiscal et financier recrute. La belle aubaine pour cet ex-commercial ! Il se rend donc à la réunion d'information.

Des promesses de revenus rapides, des témoignages de ceux qui ont réussi, des applaudissements : il assiste à un grand show pour susciter l'émotion.

Tous les codes d'une religion avec grande messe, chapelet de chiffres et bénédictions pour ceux qui choissisent de se convertir.

Un formateur à la Anthony Robbins qui prêche "Tu es ce que tu crois, tu es ce que tu désires. Seule la volonté décide de ta vie. Les doutes te noient dans le néant car ils sont ton ennemi".  "Vous pouvez vous dépasser. Vous êtes capable de mieux faire. Puisez en vous pour aller plus loin." 

Il s'aperçoit vite que la formation commerciale qu'il suit emprunte les mêmes chemins d'embrigadement que ceux de la secte qui a englouti une partie de sa vie. 

C'est par les mots que Léon va peu à peu revenir à la vie, en couchant sur le papier la sienne pour que les fantômes du passé cessent de l'escorter partout. En créant Paul, son double littéraire, il se délivre des poids qui le lestent. Et les propos de Diderot vont l'éclairer et lui rappeler qu'il existe en chacun de nous un homme libre, naturel, loin de l'homme artificiel que nous sommes devenus. 

La commerciale que je suis n'est pas sans connaître ces méthodes de formation, qui vous encourage à activer votre réseau pour recruter un maximum de clients, un parrainage qui est censé rapporter gros. Le parallèle entre les méthodes de vente et celles des sectes et religions peut faire froid dans le dos mais il en dit long sur notre société.

Les questionnements de Léon nous invitent à nous pencher sur la hierarchie actuelle des valeurs. Compétition, productivité, rentabilité et profits gouvernent la plupart des rapports humains au détriment d'autres valeurs plus humanistes. 

C'est aussi une ode à la fonction cathartique de l'écriture. Ce roman souligne la différence entre ce magma d'émotions personnelles couchées sur le papier qui s'apparente davantage au journal intime qu'au roman et les mots plus structurés qui transcendent et rejoignent les rangs de la littérature. Le livre de Dominique Lin fait bien partie de la deuxième catégorie. 

Un roman intéressant qui pousse à la réflexion. 

Je regrette juste ce maladroit "malgrè que" de la page 121 sur lequel j'ai trébuché. Une broutille en somme. 

De nombreux extraits témoins de mon intérét :

"Pour toute propriété privée, il n'avait pu sauver que son jardin secret où végétaient quelques touffes éparses de souvenirs. Les massifs de l'espoir recouverts par les ronces de l'ennui ne fleurissent plus, des branches mortes dépassaient telles des épouvantails". page 13

"Eveiller l'intérêt, rendre le prospect demandeur pour qu'il glisse dans l'entonnoir jusqu'à la conclusion de l'affaire; la méthode grossière fonctionnait depuis toujours et possédait encore de beaux jours devant elle. "page 21

"Pourquoi s'obligeait-il à revivre tout cela ? Il le faut(...) sentir à nouveau les plaies béantes, les épines et les pierres du chemin. S'il devait y avoir un soupçon de joie et de bonheur dans la vie qu'ils avaient menée, une once de réussite, il fallait qu'il la trouve, mais pour cela, il devait tout passer en revue, tour retourner". 

"Le prospect n'était qu'une cible, un acquiescement en devenir, un fidèle reproductible à l'infini." page 31

"le déséquilibre favorise l'aveuglement". page 41

"Lhomme ne serait-il fait que pour manipuler ou obéir ?" page 54

"Des pensées informes défilaient en cortège vagabond, mêlant ce qu'il fut et ce qu'il aurait aimé être; chacune repartait, effilée par le vent comme des drapeaux de prière tibétains." page 67

"Partir boiteux, c'est souffrir tout au long de la route".

Merci à l'auteur et aux éditions Elan Sud pour l'envoi !

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