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Les facéties de Lucie
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21 janvier 2013

Une photo, quelques mots (66)

couloir

Arpenter les couloirs.

D'abord, ne rien y voir d'autres que les patères auxquels sont accrochés bonnets et polaires. Y chahuter avant d'entrer en cours. Y croiser le regard de mon premier amour. Y relire debout mes notes avant le grand oral. M'y perdre à l'aéroport tant le dédale est infernal.

Le parcourir le nez en l'air, cherchant le numéro d'une chambre, bruits de mes pas étouffés par une moquette tendre. Y croiser des hommes en blancs poussant malades sortis du bloc et croiser le regard absent d'un proche encore sous le choc. Y échanger baiser brûlant et urgent avec un homme qui deviendra mon mari, toi. Le trouver interminable le jour de ma première échographie, n'est ce pas ?!. En recouvrir les murs de livres dans notre premier appartement. Dans le deuxième en abattre les cloisons pour élargir notre horizon. Le repeindre en beige dans notre maison de campagne et y laisser nos bottes pleines de neige dans notre chalet à la montagne. 

Dans les couloirs, j'ai poussé des portes, attendu des évènements dans l'angoisse et la peur, j'ai imaginé le pire, m'y suis réjouis du meilleur. J'y ai pleuré à la clinique pour que ma mère ne me voit pas. J'y ai applaudi des deux mains quand notre fils a marché pour la première fois. J'en ai crayonné le mur au fur et à mesure que notre garçon poussait. Téléphone à l'oreille, j'y ai fait les cent pas, impatiente de connaître les résultats de son concours d'avocat. Dans le miroir au passage, j'y ai aperçu les premières traces de l'âge.

J'ai toujours répété, même quand tu te moquais, qu'au bout du plus sombre des couloirs, on trouvait la lumière et l'espoir.

Mais celui là, aux fenêtres empesées de rideaux de velours qui sentent la poussière, j'aurais préféré ne pas. Ne pas entendre les craquements de son parquet sous mes pieds. Ne pas voir tes mains dans ton dos qui se tiennent. La tête de cette femme qui se penche vers toi, vos visages qui se rejoignent en un baiser délicat. Traverser le couloir cette fois je ne pourrais pas, je vais m'effondrer là.

C'était ma participation pour l'atelier de Leiloona à partir d'une photo de Romaric Cazaux

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Commentaires
L
@ Gaëlle : merci pour ton enthousiasme !!
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G
Wouaaaa ! Magnifique, quelle merveille :)<br /> <br /> bises et à très vite !
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L
@ben : merci !! oui finalement il s'en passe dans les couloirs, n'est ce pas ?
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L
J'adore ton texte, encore une fois. Tu pars d'une idée générale pour ensuite finir sur un côté plus intime. Le lecteur est forcément pris dans tes filets. Je ne m'en lasse pas.
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Y
J'adore ton texte, c'est juste, beau et profond. Ca m'a beaucoup touchée.
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