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Les facéties de Lucie
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6 novembre 2012

A défaut d'Amérique de Carole Zalberg

A défaut d'Amérique

Pendant que mon voisin semblait creuser un tunnel à la perceuse pour y aller, en Amérique, je refermais doucement ce roman...groggy...

200 pages qui m'ont paru 600 grâce à la densité, à l'épaisseur des personnages. Je l'ai réouvert pour piocher des passages.

Ce roman me fait l'effet d'un message qu'on glisse sous ma porte. Et voilà que le jour qui semblait s'engager de manière très ordinaire, va prendre un tour différent.

De sa mère Lisa,Suzan ne sait pas grand chose en définitive. D'Adèle la française, elle préfèrerait ne rien savoir. Après un retour triomphant dans la vie de Stanley, le père de Suzan, elle a refusé de l'épouser. Il en est mort de chagrin. Alors quand l'effrontée Adèle tire sa révérence, Suzan se rend en Amérique. Elle observe de loin l'enterrement de celle qui est aussi l'arrière grand mère de Fleur.

Voici deux narratrices, Fleur et Suzan, qui vont tisser au fil de leurs récits la toile de leurs lignées et retracer le parcours charismatique d'Adèle qui a marqué de son empreinte les deux familles.

Suzan se retourne sur le chemin qu'elle a parcouru et s'aperçoit qu'elle a mis ses pas dans les traces des fantômes qui la lestent et la guident inconsciemment. Est ce pour cela que son ex mari dit qu'elle affiche un air supérieur ?

Les femmes des familles de Suzan et Fleur ont, pour la plupart, suivi le sentier balisé par les générations précédentes quitte à enterrer leurs rêves et désir et que se forme dans leur coeur "un noeud fait de frustrations et de sentiment d'injustice".

Certaines ont toutefois emprunté des chemins de traverse, hors topographie familiale, sans craindre les vagues qu'elles allaient faire.

Ce roman m'a fait penser à ma lecture du livre de Jean Pierre Winter sur la transmission et ce qui nous échappe. Evidemment, ses femmes portent en elles les rêves de leurs parents, leurs espoirs déçus, leurs frustrations, leur angoisse et leur incroyable force de vie. Le tri n'est pas si simple à faire. On reçoit tout d'un bloc sans toujours le percevoir.

On est nécessairement partagé entre ce besoin d'être ancré, relié, et celui de se détacher pour avancer sans trébucher dans ses propres racines. S'extraire du moule sclérosant pour ne pas étouffer l'élan vital qui nous habite, ne pas sacrifier cette force de vie, ne pas se contenter d'être ce que les autres attendent de nous.

Les paroles, les mots sont le véhicule de tant de transmissions inconscientes. Les mots sont matières premières dans ce roman, c'est quasi culinaire : on les déroule comme une pate brisée prête à l'emploi, on les touille, on les dissèque pour leur oter toute charge émotionnelle, on s'en nourrit et on en abreuve les siens, on en échange des brassées, on les jette entre un homme et soi comme un pont, on les envoie outre tombe pour parler aux absents, on les utilise pour tailler en pièces ou désamorçer bombe humaine.

J'ai enfin aimé ce moment proche de la méditation de pleine conscience où Suzan se nourrit seulement du moment présent et fait un pas de côté pour observer le flot de ces questionnements. Elle saura ensuite quelle direction suivre...Parce qu'il n'est jamais trop tard pour en changer.

Merci Carole Zalberg pour ce roman qui va m'habiter longtemps !!

Merci Charlotte pour la découverte ! Ton billet qui m'avait tenté !

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Commentaires
I
Un roman qui a l'air très fort. Ton billet donne envie
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L
@lou : fais moi le vite remonter !!!
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L
Je l'ai dans ma PAL depuis quelques mois et ton très joli billet me donne envie de l'ouvrir enfin... je ne cesse de repousser mais il a l'air excellent !
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L
@antigone : oui, ce livre m'a beaucoup touché, je le fais voyager vers Mirontaine, si tu veux qu'il fasse escale chez toi ensuite, dis moi !
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A
Ah ce que tu en dis donne vraiment envie de tenter, tu sembles émue à la sortie de cette lecture. Je note.
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