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Les facéties de Lucie
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10 juin 2012

Les heures silencieuses de Gaëlle Josse

 

Ce roman m'a été offert par Mrs Pepys dans le cadre du swap Mauve organisé par Valérie. Des quatre romans glissés dans le colis (révélation du contenu complet dans quelques jours), j'ai choisi de commencer ma lecture par celui là.

C'est le premier roman de Gaëlle Josse, auteure de "nos vies désaccordées" que l'insatiable charlotte m'a donné envie de lire. 

Ici nous sommes en 1667, en Hollande, à une époque où ce pays brillait par son commerce international et le nombre de ses comptoirs. Les navires rapportaient, d'Inde et de Chine, épices, tissus, porcelaine et bientôt feuilles de théiers pour une boisson à laquelle l'Europe commençait à s'interesser.

Cette femme qui tient journal c'est Magdalena, représentée de dos sur le tableau. Elle a besoin d'écrire les tourments de son âme : ceux qui lui font redouter la nuit et ceux qui expliquent qu'elle ne se soit pas laissée peindre de face.

Ainée de cinq filles au grand desespoir de son père, elle a des rêves de garçon : voyager, naviguer. Elle ne le fera qu'au travers des carnets de bord tenus par les capitaines de bateaux de son armateur de papa. Elle trouve mari parmi ceux là et son ventre fertile donnera 8 enfants dont seulement 4 survivront. Les fantômes des autres en font une mère plus qu'inquiète.

A 36 ans, Magda fait un triste constat : la vie ne ressemble pas à l'idée qu'elle en avait. Elle couche sur le papier pendant un mois ses désillusions, les emballements de son coeur qu'elle tente de réfreiner, ses déceptions et ses espoirs. Elle est toute entière tournée vers l'avenir de ses enfants qu'elle souhaite radieux même à la plus capricieuse de ses filles. On sent toutefois qu'elle n'espère plus rien de la vie pour elle-même. 

Elle m'a touché cette femme qui se livre. Elle s'est assise sur ses rêves, elle est rentrée dans un moule qui ne lui plaisait pas. J'ai aimé la manière dont elle décrit ses enfants, leurs caractères, l'amour inconditionnel qu'elle leur porte et qui la maintient vivante. La musique tient une grande place dans la vie de Magdalena. Sa fille Elisabeth chante à merveille, Magda joue de l'épinette et son fils Samuel de la viole de gambe. Les invités ont parfois droit à de jolis concerts familiaux.

Magda écrit pour mettre de l'ordre dans son coeur et la paix dans son âme mais également pour sauver sa peau car elle compare son plus grand aveu à l'amputation d'un membre inguérissable qui permet de sauver le reste du corps. Mais quand on sait le syndrome du membre fantôme qui manque et pourtant semble si présent, on se dit que cette femme n'en finira pas de ressasser...

J'ai lu son récit deux fois. Je vous le recommande chaudement. Le registre soutenu de l'écriture a ravi la lectrice que je suis. C'est soigneux sans être ampoulé. 

Bravo à Gaëlle Josse qui s'est trouvée bien inspirée par ce tableau de Emmanuel de Vitte ("intérieur avec femme à l'épinette") et nous fait faire un voyage dans un temps où les femmes se devaient d'accepter un destin imposé par les hommes.

Merci Mrs Pepys de m'avoir permis de faire cette découverte !!!

Je suis touchée en plein coeur par cette confession du 17ème siècle ! J’ai aimé cette femme que son père aurait aimé garçon et en a finalement adopté les rêves…

Les livres de Georges a amé ce roman qui raconte une époque de conquêtes commerciales et la solitude des femmes emmurées dans leur intérieur, Clara a aimé comme moi cette écriture élégante servant un récit intimiste de toute beauté, Fransoaz est rentrée dans le récit sur la pointe des pieds pour ne pas déranger Magda qui met de l'ordre dans ses émotions et ses pensées, Chaplum a aimé ce roman féminin et délicat, trop court à son goût. Noann aussi a aimé ce journal où la douleur pointe dans une prose sans poétique sans excès.

"Il en est ainsi qu'à certains moment de notre vie, tout concourt à la vêtir d'épines". page 69

"se satisfaire de la vie telle qu'elle est est un long apprentissage, parfois bien amer, je le sais"

"En si peu de temps, une destinée s'engage, et de cet instant dépend le court d'une vie" page 49

"Cet aveu m'apaise, car nous abritons en nous quantité de souvenirs et de réflexions; il ne se trouve personne pour les entendre, et le coeur s'étouffe à les contenir" page 11

"il faut agir selon son coeur, au plus près de ce qui nous semble juste et ne jamais accepter ce qui nous fait violence." page 25

"Dans la joie comme dans la peine, la musique demeure notre compagne. Elle embellit ce qui peut l'être, et console, lorsque cela est possible. Mais des trop grandes peines, elle ne distrait point. La vraie tristesse s'accompagne de silence, mais ça c'est autre chose." page 14

 encore une lecture pour le défi d'Opaline.

 

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Commentaires
L
Beaucoup aimé l'écriture de l'auteur moi aussi. :)
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L
@amélie : bienvenue ici !! à bientôt !
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A
Bonjour<br /> <br /> J'ai profité de sa sortie en poche pour tenter l'aventure. Je suis complètement d'accord avec cette chronique sur la question du style : soutenu sans être ampoulé (parfois cet équilibre est difficile...). <br /> <br /> Je l'ai trouvé en revanche un peu court, j'aurais aimé rester dans les coulisses de ce tableau plus longtemps. <br /> <br /> Au plaisir de revenir sur ce blog, <br /> <br /> Amélie<br /> <br /> x
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L
Bel exercice d'écriture que d'avoir imaginé une vie mouvante et émouvante à partir d'un tableau immobile en 2 dimensions. Le style est effectivement soigné et l'histoire transposable de nos jours... A tel point que je me suis demandée si l'histoire et plus encore les sentiments de Magdalena étaient plausibles en 1667. Du coup, une agréable lecture qui invite à la rêverie en dépit de ce petit sentiment d'anachronisme.
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L
@amandine : merci ! on me dit que son deuxième roman est excellent aussi : nos vies désaccordées.A suivre donc...
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