121 curriculum vitae pour un tombeau de Pierre Lamalattie

"Je fais ma petite étude sociologique" : c'est ce que je dis parfois quand je suis à une terrasse de café, dans un tram, une salle d'attente chez le medecin, chez l'esthéticienne, à la caisse d'un supermarché, au travail. J'attrape au vol quelques phrases, saisit des instants de vie d'un couple, d'une mère et son enfant, d'un ado et sa bande.

Et bien c'est ce que fait cet ingénieur agronome/peintre/écrivain, Pierre Lamalattie. Muni de deux casquettes professionnelles -médiateur dans les restructurations industrielles et conseiller emploi pour étudiants à l'institut des sciences du végétal- il a eu l'occasion d'en capter des tranches de vies dans ses bureaux.

Cela lui a donné une envie : résumer en une phrase la vie de ceux qu'il a rencontrés, comme un mini cv, et en faire la légende d'un portrait tracé à la peinture à l'huile. Les toiles sont commandées, le lieu de l'expo trouvé. Et nous le suivons dans ce projet un peu fou : créer 121 toiles !!! 

Si, pour l'auteur, mener ce projet à terme est important, faire une sorte de bilan à mi parcours l'est aussi visiblement à l'heure où il emmène sa maman terminer sa vie dans une maison médicalisée. Alors il contacte par mail Claire, la seule femme qui l'ait vraiment marqué pour essayer de renouer les liens.

Il prend un peu de recul sur sa vie et ses contemporains.

Mais qu'est ce que le bonheur au fond ? Avoir une bonne situation ? Qu'est ce qui nous fait courir ? Sommes nous libres ou empêtrés dans des chaines que nous nous sommes crées ? Où trouver le bon mode d'emploi pour la vie ?

Ces portraits d'hommes et de femmes toutes CSP confondues, lui permettent d'évoquer la politique, l'amour, l'écologie, le marché du travail, le monde de l'entreprise, le racisme, les modes de consommation, l'écologie, l'alimentation, le management et le diktat de l'épanouissement personnel, le licenciement économique, l'hypocrisie des relations humaines, la retraite et la fin de vie, les self made man qui font faillite et deviennent arrogants, l'art contemporain, le monde des fonctionnaires. Il pointe la violence des rapports sociaux, les illusions qui se perdent, la langue de bois.

Les portraits dressés sont réalistes et parfois teintés d'ironie. Tout n'est pas rose non, mais tout n'est pas gris non plus. Ici c'est, comme on dit en statistiques, un panel représentatif de notre société.

J'ai aimé et donc dévoré quasi d'une traite ! Pierre Lamalattie a la plume et le pinceau bien aiguisés !!!

Un grand merci à Marianne Ferron et aux éditions L'editeur pour cette découverte !!!