Tu verras de Nicolas Fargues
Si je vous dis que ce roman est le récit poignant d'un père qui a perdu son fils sous les rames d'un métro, je sais que vous n'allez pas aller au bout de ce commentaire et que vous n'ouvrirez pas ce roman. Et ce serait dommage.
Alors je préfère vous avertir d'entrée de jeu que c'est une confession sans fards ni larmoiements et qu'elle fera écho chez le père ou le fils qui est en vous.
Colin, quadragénaire dont Clément, le fils unique, est mort, règle ses comptes avec lui-même.
Lui qui pensait que ce genre de drame n'arrivait qu'aux autres est rongé par la culpabilité et le remords. Il réalise qu'il n'a jamais su arbitrer entre son fils et les femmes qui sont passées dans sa vie, qu'il a reproduit avec son fils les erreurs de son propre père, qu'il lui a sans cesse assené reproches et leçon de morale faisant de lui un rabat-joie terminant ses complaintes par un « tu verras , c'est pour ton bien ».
Difficile pour un père de laisser son fils vivre ses propres expériences, se tromper et souffrir à son tour. Cette peur de le laisser voler de ses propres ailes, se cristallise dans des recommandations, des reflexions « à deux balles » sur les fréquentations de Clément, son langage, ses vêtements, sa coiffure et la musique qu'il écoute.
Toutes ces escarmouches l'ont empêché de connaître vraiment son fils et semblent stupides lorsque le pire arrive. On ne prend conscience de l'importance des choses qu'une fois touché en plein coeur et il est trop tard.
Au fil de ce roman, Colin cherche à comprendre ce qu'il s'est passé pour que son fils finisse sous les rames d'un métro et découvre une facette méconnue de Clément.
Il cherche aussi un moyen d'anesthésier la douleur et d'avancer malgrè tout, amputé de son fils unique.
Lu d'une traite, j'ai aimé la manière très juste de retranscrire ces oppositions d'ado qui se cherche, les doutes, questionnements, peur de mal faire, de trop faire, d'être trop présent, qui assaillent un père.
D'une souffrance bien personnelle, l'auteur tire une réflexion sur notre société, ses codes et modes et sur les relations parents/enfants.
Pour Leiloona c'est un ouragan d'émotions, elle conseille la lecture en apnée, comme je l'ai fait. Choco aurait aimé une autre fin mais a trouvé ce roman bouleversant. Passez lire l'excellent billet de la ruelle bleue.