"La tête en friche" de Marie Sabine Roger
Germain, 45 ans, est une armoire à glace qui a, comme il le dit, "la tête en friche", c'est à dire qu'il est quasi illettré, en fait.
Au parc, il compte les pigeons et au bar, avec ses potes, c'est lui le clown de service. Il vit dans une caravane dans le jardin de la maison de sa mère pour ne pas avoir à supporter les tocs de celle-ci.
Au parc, un jour, il rencontre Margueritte, petite femme de 86 ans avec laquelle il se lie d'amitié.
Ils compteront ensemble les pigeons avant que Margueritte ne se mette à faire la lecture à Germain, à voix haute, et lui fasse ainsi aimer les mots au point qu'il ait envie de les retrouver dans le dictionnaire. Quand une maladie degénérescente de l'oeil empêche Margueritte de continuer la lecture, c'est Germain qui prend le relais.
Style original, livre touchant et drôle !!! Une pépite !!!
Jacques Griffault s'est laissé emporté par le style et Clarabel a publié un très beau billet sur ce roman aux "réparties pas mal balancées".
Quelques extraits, pour le plaisir:
"Ce qui est nouveau pour moi, également, c'est qu'avant Margueritte je n'avais pas encore aimé quelqu'un. Je ne vous parle pas de choses sexuelles, je vous parle de sentiments sans qu'on aille au plumard après. Tendresse et affection, et confiance. Et tout ça. Des mots que j'ai encore un peu de mal à prononcer, vu qu'on me les avait jamais dit de plain-pied, avant que Margueritte en parle. "
"Les mots ce sont des boites qui servent à ranger les pensées, pour mieux les présenter aux autres et leur faire l'article. Par exemple, les jours où on aurait l'envie de frapper sur tout ce qui bouge, on peut juste faire la gueule. Mais du coup, les gens peuvent croire qu'on est malade, ou malheureux. Alors que si on on dit d'une façon verbale, Faites pas chier, c'est pas le jour ! ça évite les confusions. [...]avoir les mots qu'il faut, ça peut rendre service, quand on veut s'exprimer"
"Elles sont marrantes les gonzesses : elles ne comprennent rien à rien, y a qu'à voir comme on se fout d'elles, pourtant, pour certains trucs, elles ont des antennes. En deux temps et trois mouvements elles t'expliquent comment tu fonctionnes, en dedans. Et c'est pas toujours faux, ce qu'elles disent. Elles ont du bon sens quelquefois. "
"J'ai rassuré Francine, je lui ai expliqué que c'est sa beauté intérieure qui compte, même si elle ne peut plus s'aligner sur l'argus"
"L'affection, ça grandit sous cape, ça prend racine malgré soi et puis ça envahit pire que du chiendent. Ensuite, c'est trop tard : le coeur, on ne peut pas le passer au Roundup pour lui désherber la tendresse."
"C'est dingue de voir tout ce que ça te fait revenir du passé , un bouquin."
"Observer, c'est regarder utile, en se disant qu'on veut se souvenir. Et du coup, on voit mieux, forcément. "